28 février 2019

Étude de cas : évaluation du risque d’indisponibilité d’un réacteur nucléaire pendant les vagues de chaleurs

A propos de Callendar

Callendar est une start-up spécialisée dans l’utilisation des données climatiques et des techniques d’intelligence artificielle pour l’évaluation des risques liés au changement climatique. Depuis 2019, nous avons acquis une expertise reconnue dans l’utilisation de cette démarche pour l’évaluation du risque d’indisponibilité de centrales électriques, notamment nucléaires. Cette étude de cas propose un aperçu des données et des méthodes que nous pouvons mettre à votre disposition pour évaluer l’impact d’un épisode de chaleur extrême sur un réacteur nucléaire, ou plus généralement sur une installation industrielle nécessitant un refroidissement important.

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Contexte et objectifs

Depuis une vingtaine d’années, il est devenu courant que des réacteurs nucléaires européens soient obligés de cesser leur production pendant les vagues de chaleur estivales. Avec le réchauffement du climat, on peut s’attendre à ce que ces indisponibilités deviennent plus fréquentes. Si c’est le cas, ce phénomène pourrait avoir des conséquences importantes sur la sécurité énergétique de régions dépendantes du nucléaire, la rentabilité des centrales existantes, l’implantation de nouveaux réacteurs et l’architecture du réseau.

Dans ce contexte, notre client nous demande de réaliser un indice de risque d’indisponibilité pour les centrales nucléaire françaises. Pour cette étude de cas, nous allons nous concentrer sur une seule centrale : la centrale nucléaire de Saint-Alban située sur le Rhône.

Méthodologie

Une étude bibliographique conduit à identifier trois causes d’indisponibilité principales :

  1. La pression maximale du condenseur,
  2. La réglementation des rejets thermiques,
  3. L’absence d’une ressource en eau suffisante.

Parmi ces trois causes, les deux premières sont directement liées à la température au niveau de l’installation et éventuellement en amont. La ressource en eau est liée aux précipitations sur le bassin versant et, via l’évaporation et les prélèvements, à la température. Nous allons étudier plus particulièrement la contrainte réglementaire qui est à l’origine des arrêts récents de centrales nucléaires françaises en 2018 et 2019.

La consultation de l’arrêté réglementant les rejets de la centrale de Saint-Alban montre que celle-ci n’est pas autorisée à réchauffer l’eau du fleuve au-delà de 28°C, sauf dérogation demandée par RTE. On peut donc considérer que le risque d’arrêt dépend de la température du Rhône : plus la température s’approche de 28°C plus le risque d’arrêt croit. Un arrêt est certain si la température dépasse 28°C.

Pour étudier l’évolution de ce risque nous disposons de projections climatiques établies par différents organismes de recherches en fonction des scénarios d’émission du GIEC. Ces projections portent notamment sur la température et les précipitations, notre objectif est donc de relier ces variables à l’indicateur qui nous intéresse, c’est-à-dire la température du Rhône au niveau de Saint-Alban.

Pour cela, notre approche est la suivante : sur la base de données météorologiques et des relevés de température  historiques, nous utilisons des outils d’intelligence artificielle pour « apprendre » le lien entre les variables climatiques et la température du fleuve. Une fois que cette relation est apprise, le modèle peut être utilisé pour prédire l’évolution du débit en fonction de celle des variables climatiques. C’est cette approche qui est détaillée ici.

Notre valeur ajoutée : L’utilisation d’un algorithme d’intelligence artificielle plutôt que d’une modélisation conventionnelle présente plusieurs intérêts. En particulier, elle réduit fortement le besoin de compétences spécialisées, notamment en thermique des fleuves, et elle est instantanément réplicable partout où des données historiques suffisantes existent.

Source des données

Comme dans tout projet d’intelligence artificielle, l’accès  à des données suffisantes en quantité et en qualité est crucial. Dans notre cas, nous allons utiliser les données suivantes :

  • Température du Rhône : relevés à la station de Serrières, une dizaine de kilomètre en aval de la centrale de Saint-Alban. Ces données sont accessibles via le portail national sur la qualité des eaux de surface, Naïades, mais elles sont très lacunaires : elles ne sont disponibles qu’entre le 15 octobre 2008 et le 17 juillet 2010.
  • Données météorologiques : données de température réanalysées, nous utilisons plus particulièrement le jeu d’indicateurs destinés au secteur de l’énergie sur la base d’ERA Interim. Ces données couvrent la période 1979-2016 pour l’ensemble de l’Europe avec une résolution spatiale de 0.5° en latitude comme en longitude, elles sont mises à disposition par Copernicus le programme européen d’observation spatiale.
  • Projections climatiques : les données climatiques prospectives sont issues du projet de modélisation du climat en haute résolution, CORDEX. Ces données sont accessibles via les partenaires du programme. Dans cette étude de cas, nous n’utiliserons qu’une seule projection (IPSL, Scénario RCP4.5), dans une étude réelle nous utiliserions au moins une dizaine de projections issues de modèles climatiques et de scénario d’émissions différents pour nous assurer de la robustesse des résultats.

Notre valeur ajoutée : Callendar dispose d’une bonne connaissance des données utiles dans le cadre d’une étude comme celle-ci. Nous avons accès aux principales bases de données et nous disposons sur nos serveurs des jeux de données les plus fréquemment utilisées, ce qui nous permet de gagner du temps dans cette première phase de l’étude.

Entrainement d’un réseau de neurones et évaluation de ses performances

Nous cherchons à évaluer la température de l’eau au niveau de la centrale de Saint-Alban, pour cela nous faisons le choix de nous baser uniquement sur la température de l’air au même endroit pendant les jours précédents.

Nous utilisons un réseau de neurones artificiels, un algorithme d’apprentissage très populaire, auquel nous avons soumis, d’une part, une série de quelques 600 températures relevées à Serrières entre le 15 octobre 2008 et le 10 mars 2010 et, d’autre part, la température de l’air même endroit pendant les 5 jours précédents.

Nous avons gardé en réserve les températures relevées entre le 10 mars et le 17 juillet 2010 de façon à pouvoir évaluer les performances de notre modèle sur des données qu’il n’a jamais vu. Une fois l’apprentissage fini, nous avons soumis ces données à notre réseau de neurones, voici ses prédictions comparées aux températures réelles :

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Le réseau de neurone parvient à prédire de façon relativement fiable la température de l’eau. Son erreur médiane est de 0.66°C, c’est-à-dire que dans un cas sur deux il se trompe de moins de 0.66°C et dans un cas sur deux il se trompe plus, l’erreur maximale est d’environ 3.5°C. Cette marge d’erreur importante peut s’expliquer par la simplicité des données d’entrée (seulement les températures moyennes sur 5 jours) et par le faible volume de données disponible pour l’entrainement.

Création d’un indicateur et évaluation du risque d’indisponibilité

Nous décidons d’utiliser tout de même ce modèle en construisant un indicateur du risque d’indisponibilité qui tient compte de sa marge d’erreur. La définition de l’indicateur retenue est la suivante :

Si on note T0 la température maximale autorisée pour l’eau en aval de la centrale, T la température du fleuve en aval prédite par le modèle et MAE son erreur médiane :

    • Si T T0 – 2 x MAE : risque d’arrêt très faible
    • Si T > T0 – 2 x MAE et T   T0 – MAE : risque d’arrêt faible
    • Si T > T0 – MAE et T   T0 : risque d’arrêt significatif
    • Si T > To et T   T0 + MAE : risque d’arrêt élevé
    • Si T > T0 + MAE : risque d’arrêt très élevé

En supposant que notre modèle a autant de chance de surestimer que de sous-estimer la température, un risque d’arrêt très élevé signifie qu’il y a 75% de chances que la température en aval de la centrale dépasse le seuil autorisé. Il est élevé lorsqu’il y a 50% de chance que le seuil soit dépassé et significatif au-dessus de 25%.

Nous allons utiliser notre réseau de neurone et cet indicateur pour évaluer le risque d’indisponibilités futures de la centrale nucléaire de Saint-Alban. Pour cela à la place de soumettre au réseau de neurone des températures issues de séries historiques, nous lui proposons des températures tirées d’une projection du climat entre 2020 et 2050. Nous avons utilisé une seule projection (IPSL, scénario RCP4.5). Dans le cadre d’une étude réelle, il faudrait utiliser des projections issues de différents organismes (multimodèles) et basées sur plusieurs trajectoires d’émissions (multiscénarios) pour obtenir un résultat robuste.

Sur la base de cette projection et de ce que le réseau de neurones a appris des données historiques, voici ce qu’il nous dit du risque d’indisponibilité de la centrale nucléaire de Saint-Alban pour la période 2020-2050 et la comparaison par rapport à une période de référence prise entre 1980 et 2010 :
  • 39 jours avec un risque d’arrêt très élevé (+300% comparé à la période de référence),
  • 53 jours avec un risque d’arrêt élevé (+204%),
  • 125 jours avec un risque d’arrêt significatif (+128%),
  • 175 avec un risque d’arrêt faible (-34%),
  • Le reste, soit 10561 jours, avec un risque d’arrêt très faible (+0%).

Il est intéressant de noter que le nombre de jours à risque n’augmente pas par rapport à la période de référence. Cependant on observe des risques plus sévères. Cette étude pourrait être simplement et rapidement répliquée pour d’autres centrales ou d’autres projections climatiques.

 

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