Ouragan Harvey (États-Unis, 2017)

Cet article est un retour d’expérience sur une crise climatique récente. Son objectif est :

  1. de décrire les événements météorologiques
  2. d’identifier par quels mécanismes ces événements ont produit des effets sur les sociétés qui les ont subi
  3. d’engager une réflexion sur les moyens de réduire ces effets si des événements similaires se reproduisent

Vous pouvez consulter ici l’ensemble des retours d’expérience disponibles ou bien consulter notre note consacrée à l’ouragan Harvey pour plus de détails.

Les événements météorologiques

Harvey est un ouragan de catégorie 4, le premier à toucher les côtes américaines depuis Wilma en 2005. Formé le 17 août dans les Petites Antilles, il a atteint les États-Unis en remontant le Golfe du Mexique vers le nord-ouest.

Le cyclone a touché la côte Texane le 26 août à 1h du matin (heure locale) à 40km environ au nord de Corpus Christi. Il s’est ensuite enfoncé en direction d’Austin en perdant en intensité. Il a été rétrogradé en tempête tropicale le 26 août à 13h. Il a alors fait demi-tour pour revenir au-dessus de l’océan et longer la côte en passant devant Houston et Port Arthur. Il a de nouveau touché terre le 30 août vers 17h en Louisiane à 50km à l’est de Port Arthur. Il a achevé de se dissiper en remontant vers le nord. L’alerte a été levée le 30 à 22h.

Il est très inhabituel qu’une tempête tropicale persiste aussi longtemps après avoir touché terre et la trajectoire de Harvey l’a maintenu pendant 5 jours à proximité de Houston. Cette particularité explique des cumuls de précipitations exceptionnels : entre Houston et Port Arthur, les précipitations ont régulièrement dépassé 75cm en 5 jours. Les modèles météorologiques évaluaient la probabilité des précipitations qui ont touché la région de Houston à 0.1% par an, voire pour les zones plus durement touchées à 0.0002%.

Les mécanismes de la crise

Dégâts important pour les activités de raffinage – Harvey n’a eu qu’un effet temporaire sur la production de pétrole et de gaz mais il a affecté durablement les activités de raffinage. Le sud du Texas abrite 27% des raffineries américaines, 80% de ces capacité ont été mises hors-service par Harvey. Au total, la capacité de raffinage des États-Unis était alors amputée de 4.1 millions de barils par jour. Les perturbations se sont prolongées après le passage de l’ouragan : seules 2 raffineries sur 19 ont pu revenir à un fonctionnement normal en moins de 15 jours.

Impact national sur le prix des carburants – Ces indisponibilités ont eu un effet sensible sur le cours de l’essence et surtout sur les prix à la pompe : le prix de détail de l’essence était en moyenne de 2.33$ par gallon le 21 août, il a atteint 2.45$ par gallon le 31 août puis 2.65$ le 5 septembre, au plus haut depuis l’été 2015. Le 25 septembre, il était toujours de 2.57$ par gallon, le retour a pris plusieurs semaines . La facture pour les consommateurs américains, qui utilisent en moyenne 12 milliards de gallons de carburant par mois, se chiffre donc en milliards de dollars.

Indisponibilité des ports – Avec un peu moins de 240.9 millions de tonnes en 2015, le port de Houston est le deuxième des Etats-Unis et le premier pour le trafic international. Il joue un rôle central pour les industries pétrolière et parapétrolière. Le port de Houston a été fermé du 25 août au 1er septembre. Outre Houston, 2 ports figurant parmi les 10 plus importants des États-Unis ont été fermés : Corpus Christi, du 25 au 31 août, et Beaumont, du 28 au 31. Port Arthur et Texas City, qui font partie du top25, ont également été fermés. Au-delà de ces indisponibilité temporaire, Harvey a eu un effet durable : l’accumulation de débris et de sédiments a fait perdre environ un mètre de profondeur au canal reliant le port de Houston au Golfe du Mexique. Le tirant d’eau, et donc la charge, des navires a du être limité jusqu’à ce que le canal ait été dragué.

Perturbation de la logistique – Les canaux de l’Intracoastal reliant Houston à Corpus Christi, très empruntés pour les échanges entre raffineries et usines pétrochimiques, ont également été obstrués. Le trafic ferroviaire a aussi été brièvement perturbé. Ces défaillances ont fait augmenter la demande pour des transports routiers. Mais de nombreux véhicules et remorques se trouvant dans la région de Houston ont été endommagés et les conducteurs ont manqué, entre autres parce que les organismes fédéraux en charge des secours offrent de meilleurs salaires.

L’insuffisance des « filets de sécurité » – Aux États-Unis, le risque d’inondation n’est pas couvert par les contrats d’assurance habitation. Il est possible de souscrire un contrat séparé pour ce risque, très majoritairement via un système public, le National Flood Insurance Program. En théorie, les bâtiments résidentiels situés en zone classée à haut risque par la Federal Emergency Management Agency doivent obligatoirement être assurés contre les inondations mais cette réglementation n’est pas appliquée : à Houston, seuls 28% des résidents des zones à haut risque et 15% de l’ensemble des propriétaires possèdent une assurance contre les inondations. La situation est encore plus critiques pour les 600.000 sans-papiers résidant à Houston. Ces habitants ne peuvent généralement pas bénéficier des programmes d’aide. Et même lorsqu’ils le pourraient, le contexte politique peut les dissuader d’entrer en contact avec les autorités.

Pistes d’adaptation aux risques climatiques

Un changement de paradigme pour les industriels – Les dommages causés par Harvey sont en effet en grande partie liés à l’intensité des précipitations. Les cumuls de pluie ont atteint des niveaux qui étaient jugés très improbables, ce qui explique que les mesures de protection contre les inondations, pourtant renforcées dans les raffineries après l’ouragan Katrina, n’aient pas été suffisantes. Des pluies exceptionnelles ont notamment été à l’origine de dommages sur des cuves à toits flottants et de coupures d’électricité, catastrophiques dans le cas de Total et d’Arkema. Cette situation montre qu’une approche probabiliste basée sur des données météorologiques passées est insuffisante pour dimensionner les mesures de protection. Harvey devrait inciter les industriels à collaborer plus étroitement avec la communauté scientifique pour concevoir leurs installations en fonction des paramètres climatiques futurs.

Éviter un choc pétrolier – Les conséquences de l’ouragan sur les installations de raffinage et les prix du carburant ont été sensibles pendant plusieurs semaines avec une facture pour les industriels et les consommateurs américains qui se chiffre en milliards de dollars. Le dynamisme de la production américaine n’a pas suffit à faire disparaitre les risques liés à la dépendance pétrolière. L’ouragan montre l’intérêt des réserves stratégiques d’hydrocarbures, qui était en débat depuis que les États-Unis sont redevenus exportateurs. Plus généralement, la désorganisation de la production et de la logistique a conduit a des pénuries temporaires sur plusieurs produits – des voitures (Volkswagen) aux chicken wings (McDonalds), illustrant les risques du juste à temps.

Un travail incontournable sur l’assurance – L’ouragan Harvey met clairement en lumière les limites du système d’assurance contre les inondations : les dommages se sont étendus bien au-delà des zones à haut risque où cette assurance est obligatoire et, même dans ces zones, la réglementation n’est pas appliquée. Dans les deux cas, les résidents renoncent à s’assurer parce que le système, bien que public et en déficit chronique, est trop couteux. Une privatisation, idée portée par une partie de l’administration Trump, ne résoudrait évidemment pas ce problème et semble d’ailleurs très irréaliste. Alors que les événements climatiques violents deviennent plus fréquents, l’assurance s’annonce comme un défi majeur. Sans solution satisfaisante à l’heure actuelle.

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